Prologue: Le rêveOndée mécanique glissant sur les lisses parois d'une rocaille millénaire, éclaboussant généreusement mon visage d'une fraîcheur saisissante. Chaque gouttelette, voletant dans une étrange et indescriptible harmonie, se mélange à la sueur moite de mes joues rosées dans un florilège de saveurs aqueuses. Les fragrances humides de ce jour de pluie titillent mes narines inexpérimentées dans cette fabuleuse danse des sens. La forêt alentours m'éveille, fait subtilement éclater mon esprit en milliers de minuscules particules évaporant chacune de mes pensées. Les milles et une senteurs de cette lisière s'entremêlent dans un chant cérébral langoureux formant de nouvelles odeuridées. La monotonie de la nature se transforme au contact de la réflexion en des mots naissant, émergeant d'une âme torturée. Vagabondant au coeur d'une éternelle méditation, un immense océan masque désormais mon odorat.
Je ? Il ?
Non il. Il se prend à m'évader. Il m'entraîne dans une folie éphémère de rêves idéalistes. A la limite d'une frontière infranchissable, mon esprit et ses sens se croisent et se mêlent pour concrétiser une union fragile: des envies fébriles comme ces odeuridées à peine perceptible. Même l'auréole divine d'un soleil resplendissant ne parviendrait à faire vivre ses fusions du rève et du vrai, de l'impossible et du concret, mariage d'un sens et d'une pensée.
J'ouvre les yeux. Progressivement, lentement, doucement.
Toujours ce même temps maussade. La pluie a cessé, le tonnerre gronde; tout paraît gris dans le ciel comme la noirceur d'un coeur opaque. Les nuages se meuvent en somptueuses arabesques luminescentes, digression du divin dans l'équilibre manichéen de la nature; subtile opposition. Le rêve disparaît, cédant la place à la translucidité des émotions physiques, perçant le linceul de la voûte céleste. Un rayon.
Ce qu'il voit... Est ce bien la réalité ? En veut il ?
L'eau claire s'échappe de la falaise au rythme tranquille d'une nature sans... sentiments. Elle vit, elle s'anime mais elle ignore la profondeur du désir. Elle l'ignore... Elle est la simplicité incarnée pourtant si complexe à comprendre. Parallélisme d'un idéal féminin ? Vis je au travers de mes rêves ou vit il par mes yeux ? Eternelle question d'une vie morne et terne malgré les éclairs qui zèbrent l'horizon. L'eau devient à son tour opaque, dernier regard.
Il plonge.
Furtif vent des méninges qui claque la grand voile d'une Nina fragile, blessant le coeur. Les pensées me transpercent le coeur, laissant des trous béants et amplis de ténèbres qui ne cicatriseront jamais. Sentir fait jouir, voir fait mal, penser tue. Réflexions vers un bonheur incertain. L'hérésie de toutes les vies compliquées. A mesure qu'il pense, dans une introspection destructrice, il se démolit. Plus il pense, plus il souffle sur les braises de son âme. Mais plus il souffle plus les braises s'éteignent.
Son nez ne sent plus. Ses yeux se referment. La fin est proche, mais je veux continuer, avec lui. Saisir chaque bribe de cette jouissance idyllique, de cette magnifique utopie, de cet instant unique. La toucher, revenir dans cette communion qui m'échappe. Mais qui suis je pour réclamer ce don ?
Azareen rêvait. La sueur perlait sur son front lorsqu'il se réveilla. La rosée d'une aube grise voilait dame Nature de sa robe étrangement translucide. Paradoxal ténébreux réveil. Elle ouvre les yeux, touche mon corps encore engourdi par le rêve, m'effleure de la douceur de ses mains. Je me souviendrais de la chaleur de la nuit, de nos deux corps réunis, simplement. Elle s'éloigne.
“ Tu es réveillé Emma ?”, d'une voix rauque encore engourdi par le court sommeil journalier.
Elle se rapproche, me frôle une nouvelle fois de son corps si parfait. Les yeux embués, je l'observe, décrivant ses courbes sous la soie. Elle est belle, mais elle l'est encore plus dans mes rêves. Ses hanches, le creux de ses reins, admirable. Un sein que j'entrevois, souvenir de la tiédeur suave de sa peau. Les pensées se sont envolées, le rêve enfoui dans un profond subconscient, gardé par les barrières de mon coeur. La réalité, complice de mon esprit, achève de bâtir un mur autour de ma raison. Mon âme redevient froide et blafarde, insondable. Pourquoi me tourmente-t-elle chaque nuit ? Pourquoi parlons nous ? Elle sait qu'elle ira voir un autre homme dans quelques heures. Elle ne sent pas la jalousie qui m'envahit. La forteresse érigée par mon intellect atteint son instant de rupture, se craquelle, et je préfère le rêve. Je replonge.
Je la dévore les yeux clos. Je l'imagine, je la vois sans la voir, je la touche sans l'atteindre. J'élabore des chimères, des fantasmes que je partage avec elle sans les partager. Je fais sans qu'elle ne ressente. Elle est à moi dans un cocon ampli d'érotisme et de sensualité. Elle ne le sait pas, elle ne le sent pas, elle ne le voit pas, et je ne l'exprime pas. Je vis dans l'espoir ? Non dans un mirage. J'ai échoué.
Elle s'étire. Elle se lève. Un sourire.
« Oui, je suis réveillée. » ajoute-t-elle d'un regard vitreux.
Elle va voir son amant j'en suis persuadé. La douleur est intense. Non elle ne va pas le voir, elle me le dit dans son regard, éternel reproche d'un immobilisme inquiétant. Elle n'aime pas les rêveurs... Dans mes illusions la nuit fût somptueuse. Dans la réalité... Le château de carte s'écroule.
La porte claque. La gorge serrée, la poitrine congestionnée, je me sens mal.
Et ce n'est que le début.
Chapitre Premier: Petite conversation entre amisKssss... Bonsoir et merci d'être fidèle à notre émission, ce soir dans notre journal, la découverte d'une nouvelle planète aux confins du système solaire; la justice condamne quatre membres d'un groupuscule éco-terroriste, responsable de l'attentat sur le building Everest il y a trois ans, à 5 années de travaux d'intérêts généraux et une peine d'emprisonnement de 8 ans avec 3 ans incompressibles... Ksss....« Non mais vraiment tu y crois à ce truc ? Les mecs ont tué 23 personnes et n'ont qu’8 ans d’ taule ? Sérieux ça commence à me gonfler. L'un des mecs est le fils de Hans Vedermoore, le boss de Dermacorp Industry. Tout le monde le sait en plus... Gerbant. »
Je souris. Joseph n'est pas un mauvais bougre et j'adore son ton familier, un jour critique littéraire, un autre critique politique, le lendemain farouche écologiste et le week-end extrémiste de la pire espèce. Il m'a toujours fasciné par cette adaptation au débat, par cette capacité d'argumentation sur tout et n'importe quoi. Et puis du haut de ses deux mètres et plus de cent kilos, je ne connais guère d'hommes ayant l'envi de s'y frotter d'un peu trop près. J'en suis même venu à me demander si l'imposante corpulence n'intervient pas dans inconsciement dans les discussions. L'imagination m'a souvent joué des tours et j'ai toujours l'impression qu'il en dit plus qu'il ne prononce.
« Sinon toi ça va ? », d'un ton condescendant.
Je souris. Il est doué pour alimenter les controverses mais ça ne va pas plus loin. Vingt années de mariage ont sans doute créer d'immenses montagnes infranchissables. L'expérience de tout un chacun se ressemble: se façonner une carapace qui masque les émotions. Son regard bleu clair plonge dans le mien à la recherche d'indices sur ma vie. Sa moustache frémit d'envie d'en savoir plus. Il a encore oublié son rasoir chez son amante vu l'état de son visage. C'est moi qui ouvre le livre de son esprit. Ses légers cernes me parlent. Il a découché la nuit dernière. Sa belle le broie, je sens que le mensonge lui pèse. Un sentiment que je ne connaîtrais jamais.
« Non. »
Je souris. Je devrais lever la tête plus souvent. Un commerçant vient d'ouvrir son kiosque, un bouquiniste met en ordre ses dernières acquisitions, dont un Candide du dix-neuvième à première vue. Comme dans mon rêve, les émotions sont à chaque coin de rue. Des senteurs, des bizarreries, la vie qui fourmille, se lèvent au rythme d'un soleil de septembre chaleureux. Le clapotie d'une vieille péniche dont l'encre s'ébroue me sort de cette étrange torpeur journalière.
« Non pas du tout. »
Je souris. J'ai parfois aussi l'impression d'avoir quelque chose de Joseph dans l'expression de mes sentiments. Ma gorge se resserre, déglutition difficile. Je revois encore ce corps ce matin. Mes yeux se referment, mon esprit s'éloigne dans des profondeurs invisibles. Mes jambes flanchent et mon corps soudainement ne répond plus. Je suis loin. Loin de ce monde qui n'avance pas. Loin d'un monde fade, banal et inexpressif. Et pourtant je ressens ce qui m'entoure, qui vit mais qui reste falot et insipide, ou peut être... Naturel ? Les rêves sont si vivaces. Ils vous prennent, vous emporte dans un tourbillon de bonheur et tout ce qui vous entoure réellement devient alors inexistant, pâle et anodin.
« Aller mon gars, t'en trouveras d'autres des comme elle. C'est pas la première pute qui vient dans ton lit non plus », ajoute-t-il, accompagnant sa parole d'une bonne tape dans le dos.
« Non effectivement. Mais je me suis attachée à elle malgré sa situation. Je rêve plutôt qu'elle s'en soit rendu compte. Et pire encore j'ai l'impression qu'elle est incapable de m'aimer autrement que pour ce fric que je lui donne »
« Tu dois encore être l'un des rares qui pensent autrement qu'avec ton entrejambe mon coco, même si tu lui montres le contraire. Laisse toi aller un peu, profite, sois simple»
« C'est si simple à dire Joj, oui. J'aimerais pouvoir être ainsi mais tel n'est pas le cas. C'est la rançon de la réflexion, d'un esprit tortueux. Je doute donc je suis ne dit on pas ? Et pire encore chaque fois que je suis naturel, j'ai du mal à partager ceux que j'aime.»
« Ca passera avec l'âge et quand tu sauras parler de ce que tu ressens à ces demoiselles. Dis le lui, que tu l'aimes, qu'elle t'attire et que tu as du mal à l'exprimer. Soit toi même. Après si ça ne fonctionne pas c'est que ce n'était pas une femme pour toi. »
« C'est ce que dit tout le monde... L'échec ne signifie pas pour moi que ce n'était pas une femme pour moi mais que je n'ai pas su exprimer concrètement les choses. C'est beaucoup plus compliqué même. Et puis on devait pas préparer un truc ? »
J'ai toujours eu l'impression d'être aimé. Les relations humaines sont saugrenues d'après les sociologues, mais jamais je ne me suis senti agresser par l'autre, jamais je n'ai provoqué l'autre. J'ai sans cesse le sentiment d'être apprécié, que ce que je pense est toujours partagé, compris, et que mes seuls yeux suffisent à ce qu'on m'aime avec un grand A. A sans cesse vouloir comprendre l'Amour peut être me suis je perdu dans des rêves ?
Arrête de penser, focalise ton intelligence sur le coup de ce soir. Le coup de ta vie...
[ CA ME PLAIT PAS ICI JE COUPE. Je traite de l'arrêt dans un café très spécial. On passe dans le thème de l'action, mais j'ai souvent du mal à bien décrire les actions et donner du rythme. ]
Chapitre 2: Une soirée spéciale1 h 32, les faisceaux des néons éclairent la rue Lecourt, brûlant mes yeux fatigués par le sommeil naissant. Deux heures que je patiente dans ce froid qui meurtrit mes doigts. Des grésillements presque imperceptibles m'assourdissent. Tout est vide, plus une seule présence humaine. J'attends. J'écoute et j'observe.
Le froid.
Une douce bougie s'allume et danse au deuxième étage. Ils doivent avoir fini. Les néons m'éblouissent, mais je capture un instant l'image de son corps à la fenêtre. Elle est là. Elle... Est... Là
[ TROU CA VA PAS DU TOUT

]
J'appuie sur la détente pour la seconde fois de la soirée. Ma vie s'obscurcit à jamais. Le premier coup a réussi, le second est un fiasco.
[ Sur la première partie et la rencontre avec Joseph j'aime pas du tout la tournure de phrase de la fin. Sinon vous aurez compris qu'on se dirige vers un polar très sombre smiley qui pue ]